Gambie: « Yahya Jammeh m’a vi0lée quand j’avais 18 ans »
Le nom de Toufah Jallow fait écho en Gambie, où elle est l’une des rares femmes à avoir pris publiquement position contre les agressions se*uelles dans ce pays côtier pris en sandwich entre le Nord et le Sud du Sénégal.
Devenue célèbre à l’âge de 18 ans lorsqu’elle remporte un concours national estudiantin, Toufah Jallow est propulsée sous les feux des projecteurs. La jeune femme est invitée à de nombreux événements officiels et apparait à plusieurs reprises aux côtés du président de la République.
A la surprise générale, elle fuit la Gambie en 2015, disant craindre pour sa vie. Installée au Canada, elle garde le silence pendant quatre ans sur les raisons de son exil.
Puis, en 2019, elle fait une révélation fracassante : « En juin 2015, Yahya Jammeh, alors président de la Gambie, m’a vi0lée. Il n’a jamais été inculpé ».
Yahya Jammeh, 56 ans, avait dirigé la Gambie de 1994 jusqu’à son départ forcé en exil en 2017. Il vit désormais en Guinée équatoriale.
Selon Toufah Jallow, le président lui envoyait des cadeaux et avait proposé de faire d’elle l’une de ses épouses, une proposition qu’elle avait refusée. Furieux, Yahya Jammeh la fait amener dans sa résidence et c’est là qu’elle est droguée et vi0lée.
Craignant qu’elle-même et sa famille ne subissent le triste sort réservé à quiconque osait s’attirer la colère du président, la jeune femme décide de quitter le pays clandestinement.
Le jour de son départ, elle porte un voile intégral qui la couvre de la tête aux pieds pour que les agents de l’État ne la reconnaissent pas. Entrée au Sénégal, elle est par la suite exfiltrée vers le Canada, où elle vit désormais.
« Mouvement #MeToo africain »
Le récit de Toufah Jallow suscite de l’émoi en Gambie. Pas moins de 50.000 personnes se connectent le jour où elle fait ses révélations sur les réseaux sociaux. Les femmes ont ensuite manifesté à Banjul, la capitale, en tenant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « #IAmToufah » (je suis Toufah). La marche est suivie par un déferlement de dénonciations de viols.
Son histoire est relatée dans un rapport sur les droits humains en Gambie et Mme Jallow est aussi invitée à témoigner devant la Commission « Vérité, réconciliation et réparations » (TRRC), qui enquête sur les rapports d’abus et de meurtres pendant les 22 ans de règne de l’ex-président.
Mais elle ne s’arrête pas là : aujourd’hui, Toufah Jallow vient de publier un mémoire dans lequel elle raconte son histoire en détail. Intitulé « Toufah : La femme qui a inspiré un mouvement #MeToo africain », l’ouvrage est co-écrit avec la journaliste Kim Pattaway.
La jeune femme a aussi créé la Fondation Toufah, une œuvre caritative destinée à soutenir les survivantes d’agressions se*uelles en Gambie. Son objectif est de créer le premier foyer pour femmes entièrement opérationnel dans le pays.
Contacté par l’agence Associated Press, l’ancien président Yahya Jammeh n’a pas réagi aux révélations de Mme Jallow. Par contre son parti politique, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la reconstruction (APRC), a tout nié en bloc.
Avec Associated Press.