CNSS: qu’est-ce qui se passe réellement dans cette maison ?
Le 15 Décembre 2021, BAKARY SYLLA Ingénieur Financier a pris les rênes de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) suite à un décret présidentiel. Ce brillant technocrate aux parcours scolaire, universitaire et professionnel inspirants, s’est engagé dès ce jour à mettre toutes ses capacités au service de la CNSS pour pouvoir apporter des réformes majeures afin d’inscrire son nom sur la liste des cadres qui ont vaillamment contribué à doter la Guinée d’un système de sécurité sociale digne de nom.
Pour faire le point de ses deux mois de gestion à la tête de la CNSS, notre rédaction a tendu son micro à quelques travailleurs de cette institution pour prendre leur avis sur la situation qui prévaut dans leurs locaux.
Nous signalons qu’il n’a pas été facile pour nous de trouver des interlocuteurs pour répondre à nos questions. Malgré une dizaine de tentatives, seulement trois (3) cadres ont accepté de se prêter à nos questions, car les travailleurs de cette boite ont peur des représailles de leurs collègues qui sont vent debout contre les réformes en cours.
Le premier travailleur de la CNSS qui a accepté de se prêter à nos questions nous a dit qu’il relève de la DIRGA (Direction de l’Immatriculation du Recouvrement et de la Gestion des Assurés) mais a préféré garder l’anonymat.
« Vous savez ici, nous avons passé la dernière décennie avec un administrateur très politique. C’est comme si la CNSS était minée partout. Donc toute chose que tu disais et qui n’était pas favorable à l’ancienne Direction Générale, on le rapportait directement aux patrons d’hier et des sanctions suivaient immédiatement. Je pense que c’est cette ombre qui plane toujours sur notre institution. Voilà pourquoi les gens préfèrent ne pas se prononcer sur ce sujet, car ils pensent que les pratiques d’hier sont toujours d’actualité ».
Les réformes de Bakary Sylla
Selon notre interlocuteur, le nouveau directeur de la CNSS, prend à bras le corps la lutte contre le recouvrement en espèces qui est depuis plusieurs années, l’épicentre des fraudes « vous savez, dans les institutions de sécurité sociale, l’un des départements les plus compliqués à maîtriser est le département recouvrement. Ce département est la principale porte d’entrée des recettes donc si elle n’est pas bien gérée, elle pourrait devenir le maillon fort des fraudes. Donc c’est ce qu’a vécu la CNSS ces derniers temps. Parce que les responsables de ce département, en complicité avec la hiérarchie dans un laisser-aller total, ont affaissé l’institution en procédant à des recouvrements en espèce qu’on enregistrait pas dans le système de gestion de l’institution. Et aujourd’hui, les chefs qui sont là ont interdit tout recouvrement en espèce et ont exigé la vérification de la situation des entreprises avant les facturations ».
Poursuivant son intervention, il ajoute que : « toutes les entreprises où les responsables avaient l’habitude de détourner les cotisations, commencent à être découvertes. Et c’est ce que certains cadres ne veulent pas. Voilà pourquoi ils cherchent à passer par tous les moyens pour barrer la route à la nouvelle direction… ».
Notre interlocuteur ajoute que le nouveau Directeur a assigné une feuille de route à la Direction de l’Immatriculation du Recouvrement et de la Gestion des Assurés. Cette feuille de route fait créé des frustrations
« Oui nous avons même fait des réunions avec la Direction Générale. Le DG nous a parlé de sa feuille de route et de ses objectifs. Il a invité tout le monde au travail et nous a dit que sa porte était grandement ouverte pour tout le monde. Et je suis sûr que si les gens travaillent comme il le faut, ces objectifs seront atteints avec le temps. Seulement, il y a parmi nous des personnes qui ne sont pas prêtes pour le changement. Car certains responsables, en mèche avec d’autres, font tout pour freiner l’élan de changement engagé par la nouvelle direction. Sinon aujourd’hui, il faut le reconnaître, que la sécurisation des recettes commence à se faire sentir à la CNSS voilà pourquoi certains disent que c’est dur ici ».
Dans le même ordre d’idées, un autre travailleur de la CNSS qui a aussi préféré garder l’anonymat a accepté de faire un commentaire sur une question que nous lui avons posée concernant les nominations qui se passent à la CNSS. Avec un ton très clair, il répond :
« je pense que depuis un moment, c’est cette fois-ci que nous assistons à des nominations sur mérite. A titre d’exemple, le DG vient de nommer à la tête du département des agences et antennes, M. BANGALY LENO et à la tête du département logistique Mme Astou TALL. Voilà des cadres très intègres, qui disent ce qu’ils pensent en toute responsabilité et qui connaissent parfaitement la sécurité sociale. Et moi qui vous parle, je suis sûr que les cadres qui sont nommés, s’ils ont la main libre, feraient bouger les lignes. Donc que les gens arrêtent de dire des choses avec passion, qu’ils ne maîtrisent pas. Car nous, travailleurs d’ici, savons comment les choses se passent… ».
Nous avons aussi tendu notre micro à une dame qui a aussi requis l’anonymat: elle nous a fait comprendre qu’en ce moment, les choses sont dures à la CNSS.
« Vous savez, les gens étaient habitués à travailler ici avec une manière peu catholique. L’argent coulait partout. Et même si tu n’étais pas dans les affaires, si tu as un ami ou un chef qui fraudait, il pensait à toi. Et aujourd’hui tous les tuyaux sont fermés: on ne vend plus de quitus, y’a plus de recouvrement en espèce, les gens ne gagnent plus dans le paiement des prestations. Donc on ne voit absolument rien. Le changement a été très brusque et c’est dur… ».
Continuant son intervention elle explique certains bruits de couloir : « selon ce qui se dit dans les couloirs, ce sont les grands responsables de la CNSS même qui nous ont mis dans cette situation. Beaucoup parmi eux ont démarché à la Présidence pour être DG d’ici. Et au lieu de défendre leur projet pour la CNSS, ils sont partis là-bas pour se charger les uns les autres. Donc à travers ça, le Président de la République a compris qu’il y a trop de mauvaises pratiques à la CNSS et il a décidé de faire appel à des cadres externes pour les nommer à la tête de l’institution. Et ceux qui sont là aujourd’hui, ont été au courant de tout ce qui se passe ici avant leur arrivée. Voilà pourquoi le changement a été brusque… ».
Pour finir, Mme X nous a confié: « aujourd’hui, c’est seulement ceux qui étaient dans les magouilles qui sont frustrés. Sinon nous autres, rien n’a changé dans la situation de notre vie à part l’espoir d’un lendemain meilleur avec la nouvelle Direction. Voilà pourquoi nous sommes déterminés à accompagner la direction générale dans ses initiatives ».
Thierno Sadou Diallo
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