Mamadou Sylla “Syma”, grandeur et déclin politique d’Alpha Condé

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Les biographes ou tout historicien, pour un travail réellement complet et précis sur Alpha Condé, auront besoin d’écouter aussi le Président de la Cour Suprême Guinéenne, Mamadou Sylla “Syma”.

Du procès et la condamnation de l’opposant en 2000 à la prestation de serment, en 2021, du Président du CNRD, le destin aura mis Mamadou Sylla “Syma” au centre des rendez-vous et événements ponctuant la grandeur et la déchéance politique d’Alpha Condé.

Arrêté, le 14 décembre 1998 jour de l’élection présidentielle dont il était candidat, à Pinet dans Gama Berema (Lola) en voulant rejoindre la Côte d’Ivoire, le Président du RPG, Alpha Condé a été transféré à Conakry par les soins de l’ancien Préfet de Lola, Alphamory Condé et le Gouverneur de N’Zerekoré de l’époque, Alkaly Fofana qui ont tenu à préserver l’intégrité physique du leader candidat arrêté dans sa tentative de fuite par le soldat Aboubacar Camara.

Dans la Capitale Guinéenne, l’ancien Premier Ministre, Sidya Touré, l’ancien ministre de l’intérieur, feu Zainoul Abidine Sanoussy, le ministre des finances de l’époque, Ibrahima Kassory Fofana, l’ancien ministre de la Coopération internationale, feu Doyen Cellou Diallo et d’autres hauts cadres ont plaidé auprès du Président Conté afin que le candidat recouvre la liberté et mis à la disposition de ses militants. En vain.

Cependant, le Président Conté a accédé en partie à leurs doléances.
Face à certains extrémistes de son régime, qui voulaient achever le prisonnier politique, il a menacé d’infliger les pires représailles à quiconque toucherait même un cheveux d’Alpha Condé. D’ailleurs, le Général Lansana Conté a personnellement veillé afin que l’opposant soit gardé dans une Villa de la Cité des Nations et bien traité. Mais, les extrémistes, dont certains ont occupé de hautes fonctions et bénéficié de tous les avantages durant les 11 ans du Président déchu, sont revenus à la charge et ont eu le dernier mot : Alpha Condé a été déféré et transféré à la Maison Centrale.

À partir de là, le procès était devenu obligatoire. Ainsi, après plus d’une année de détention dénoncée et combattue par la communauté internationale, le Gouvernement Guinéen s’était résolu à tenir le procès.

À noter que cette détention de l’opposant Guinéen a été l’un des motifs qui ont amené l’Union Européenne à revoir sa Coopération avec les Pays ACP.Ainsi, alors que le FED ( Fonds Européen de Développement) était octroyé presque sans conditionnalités, l’Union Européenne a initié et signé, en janvier 2000,avec les Pays ACP (dont la Guinée sous la signature du ministre des finances de l’époque, Cheick Amadou Camara) l’Accord de Cotonou qui stipule que l’affectation et le décaissement de l’argent du contribuable Européen obéira dorénavant à des critères de bonne gouvernance, de démocratie, de la liberté de mouvement total des opposants, de la libéralisation des ondes etc.

La Guinée, aussi longtemps qu’Alpha Condé est resté détenu et jusqu’à la libéralisation des ondes, a été privée de ces fonds après une drastique réduction de son enveloppe initiale.

Et c’est Mamadou Sylla “Syma” qui a été désigné comme Président de la Cour Spéciale chargé de juger Alpha Condé. Après de long mois de procès juridico-politique avec des témoins à charge et des avocats de la partie civile acharnés et accablant l’accusé muré dans le total silence, le Président de la Cour Spéciale a prononcé, le 09 septembre 2000, une peine de 5 ans d’emprisonnement contre Alpha Condé. Intervenue au lendemain des attaques rebelles du 1er septembre 2000, d’une sortie publique du Président Lansana Conté au palais du peuple, le 08 septembre, rendant Alpha Condé commanditaire de ces incursions rebelles, la peine des 5 ans était plutôt clémente.

Devenu ministre de la Justice dans le Gouvernement du Premier ministre, François Lonceny Fall, c’est le même Mamadou Sylla “Syma” qui, en 2003, a présenté, défendu et fait voter par l’assemblée nationale, le projet de Loi d’Amnistie en faveur du Président du RPG, Alpha Condé, gracié 2 ans plutôt par le Président Lansana Conté.

Cette Loi a pu rétablir Alpha Condé dans ses droits civiques et politiques et lui a permis ainsi de pouvoir candidater à la présidentielle de 2010. Juge, sans recours de l’élection, c’est lui qui a proclamé les résultats du premier tour de la présidentielle en juin 2010 qualifiant au second tour le candidat et président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo avec 44% et celui du RPG, Alpha Condé avec 18 %. Quatre (4) mois plus tard, en octobre précisément, Mamadou Sylla “Syma” a proclamé Alpha Condé élu Président de la République avec 52% des suffrages.

C’est devant le même Mamadou Sylla “Syma’’, Président de la Cour Suprême qu’Alpha Condé a prêté, pour la première fois, serment en tant que Président de la République en décembre 2010.

Enfin, ce 1er octobre 2021, en investissant le Colonel Mamadi Doumbouya dans les Fonctions de Président de la Transition Guinéenne, après la prestation de serment du Président du CNRD, Mamadou Sylla “Syma’’, enterre juridiquement la fonction Présidentielle d’Alpha Condé. Sauf miracle très extraordinaire dont seul Dieu a le secret, cette cérémonie du jour de veille de l’indépendance de la Guinée, consacre la fin et le déclin de la longue carrière politique d’Alpha Condé. Sur les dessous et détails de tous ces événements et rendez-vous d’Alpha Condé avec son destin, Mamadou Sylla “Syma” reste un acteur incontournable.

Abdoulaye CONDE

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